"Le goût du vide"

Peinture de Pierre Emile Moulin – 2012

Une femme peint de rouge le manche d’un couteau. Une autre lit une double page au moyen de lunettes dont les verres également se dédoublent. Une autre encore, peut-être la même, écarte ses lèvres grâce à deux cuillers, et ainsi fracture la porte d’émail de sa bouche. L’œil d’un homme se fait machine à voir, phare dont la lumière géométrique découpe son visage. Ces gens semblant évoluer durant la Dernière Guerre manipulent des ustensiles aux usages connus d’eux seuls. Dans ces dernières peintures de Pierre Moulin, les clairs-obscurs évoquent ceux de Lucas Cranach à John Currin, leurs arrière-plans sont des nuits noires. La palette est réduite, ou plutôt élargie, aux ocres, terres et mordorés, ces lumineuses boues étant ponctuées de frais verts bouteille, légers bleus de Delft ou rouges carmin acérés. Des villas prennent feu dans le soir, flambent dans les huiles, peut-être celles habitées par ces locataires singuliers qui trafiquent le jour. Qui décalent les rails du réel en pratiquant une magie toujours vivace qu’on appelle la peinture.


François Liénard, mai 2013.




‘le goût du vide’, peinture de Pierre Emile Moulin – 2012